Dans Minuscules aperçu sur la difficulté de soigner (2004), Jacques Salomé nous invite à offrir des messages porteurs de vie.
« Nous savons aussi, les uns et les autres, au profond de nous-mêmes, combien une parole vraie, un mot juste, une phrase appropriée peut servir de pont, de passerelle, remplacer un chaînon manquant dans l’errance d’une recherche et permettre ainsi à celui ou celle qui la reçoit de se réconcilier avec son histoire, de mieux comprendre son passé ou son présent, de s’engager avec plus de confiance vers son avenir. Nous avons certainement reçu et accueilli ou émis et offert des messages porteurs de vie, des interpellations semblables à des graines, à des germes d’ouverture, de croissance et de créativité qui nous ont fait grandir et nous respecter un peu plus... Oui, au-delà d’un engagement dans un processus thérapeutique ou analytique où l’écoute de celui qui accompagne peut guérir ou restaurer les blessures d’une vie, il y a des mots, des paroles au quotidien, dont chacun de nous peut être porteur, qui peuvent soigner, réparer, apaiser celui qui les reçoit et peut les accueillir comme un cadeau. Ne vous privez pas de ces paroles, car elles font autant de bien à celui qui les offre qu’à celui qui les reçoit. »
« Puis-je rappeler qu’un écrit a toujours deux auteurs : celui qui l’écrit et celui qui le lit.
Et poursuivre cette invitation en vous conviant à inventer et à offrir à votre tour, aux moments clés de votre vie, des paroles à guérir, à grandir. »
Nous devons à Jacques Salomé ce petit florilège d’aphorismes.
« C'est en lisant que l'on devient liseron. »
« Une critique n'est pas une attaque. »
« En matière de relation il y a rarement des solutions, seulement des évolutions. »
« Je prends toujours le risque des réponses à mes demandes. »
« A défaut de père... il faut avoir des repères. »
« La confiance que l'on s'accorde à soi-même est plus durable que celle qui nous est offerte. »
« Ose le meilleur de ta vie car personne d'autre ne la vivra pour toi. »
« Il est toujours périlleux de faire des prédictions, surtout quand elles concernent l'avenir. »
« C'est celui qui parle qui a quelque chose à dire. »
« Nous sommes sans cesse en devenir.
« Nous venons tous du pays de nos enfances. »
« Je ne peux pas changer mon passé mais je peux changer ma relation à mon passé. »
« Vivre c'est rêver pour oser réaliser ses rêves. »
« Toute demande est recevable, mais pas forcément réalisable.
« La liberté c'est avoir le pouvoir de choisir, donc de renoncer. »
Le 29 mars 2019 le journaliste Augustin Trapenard reçoit la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury lors de son émission quotidienne Boomerang diffusée sur les ondes de France Inter.
Il lui donne carte blanche. Elle écrit et lit pour l’occasion un très beau texte inédit à l’adresse des mères désenfantées. Un message d’espoir.
Contexte d'énonciation
https://www.franceinter.fr/emissions/boomerang/boomerang-29-mars-2019
Vidéo
https://www.youtube.com/watch?v=pImpJxqehiw
Texte écrit
https://lepointrose.org/les-femmes-desenfantees-par-cynthia-fleury-philosophe-et-psychanalyste/
Les mères désenfantées. Ce n’est pas que les pères « désenfantés » n’existent pas, c’est seulement que la clinique de Cynthia Fleury sur cette question est essentiellement peuplée de femmes.
Ce texte fort fait écho dans mon souvenir à un écrit de Jacques Salomé sur les deuils successifs de notre existence et parmi eux, à celui qui suit parfois indéfiniment la perte d’un enfant.
« […] Certains enfants sont de passage
pour montrer à l’un ou l’autre
de leurs géniteurs un chemin,
pour témoigner d’un choix de vie à faire.»
Ce message, lui aussi porteur d'espoir paru dans Le courage d’être soi (Les Editions du Relié) est une invitation à oser sa vie.
Autre rapprochement : Cynthia Fleury a publié en 2010 chez Fayard, un essai enlevé intitulé La fin du courage. Nous vivons, note-t-elle, dans "des sociétés mafieuses et démocratiques où le courage n'est plus enseigné". Comment réinventer le sens du courage politique ? Elle articule l’individuel et le collectif. Car si l’homme courageux est toujours solitaire, l’éthique collective du courage est seule durable.
Maryse Legrand, psychologue clinicienne, 28/04/2019
« […] nous cependant, nous voulons être les poètes de notre vie, et cela avant tout dans les plus petites choses quotidiennes »
Friedrich Nietzsche, Le gai savoir
« Soyez les poètes de votre vie. Osez chaque jour mettre du bleu dans votre regard, et de l’orange à vos doigts, des rires à votre gorge et surtout, surtout une tendresse renouvelée à chacun de vos gestes »
Jacques Salomé, Bonjour Tendresse, 1992
Citation reprise légèrement modifiée dans Vivre avec soi. Chaque jour... la vie, 2003
Maryse Legrand, psychologue clinicienne, 25/03/2019
Les murs ne sont pas toujours au dehors,
mais, dans tous les murs, il y une lézarde,
dans toute lézarde, très vite, il y a un peu de terre,
Dans cette terre, la promesse d’un germe,
dans ce germe fragile il y a l’espoir d’une fleur [...]
Oui, la liberté est en germe même dans les murs les plus hostiles.
la liberté peut naître d’une fissure, d’une rupture, d’un abandon.
Elle peut naître aussi d’une ouverture, d’un mouvement.
[...] Laisse pousser tes fleurs. Elles sont les germes da la vie à venir.
Jacques Salomé
Texte poétique paru dans
- Les mémoires de l’oubli (co-écrit avec Sylvie Galland) Editions Jouvence 2ème trimestre 1989, p 296
- Lettres à l’intime de soi, Albin Michel, octobre 2001, p 33
Illustration Dominique de Mestral
Cette charte de vie nous est proposée par Jacques Salomé, dans son livre Oser travailler heureux. Elle n'a aucun caractère officiel, ne figure dans aucun règlement intérieur. Pourtant elle circule par ci par là.
Quelle que soit ma fonction, quel que soit le poste que j'occupe, quelle que soit mon ancienneté, j'ai besoin d'être reconnu dans mon travail.
J'ai aussi besoin d'être valorisé, gratifié dans ce que je fais. Oui, j'ai besoin que quelqu'un me renvoie de temps en temps une image positive, pour dépasser mes limites.
J'ai besoin d'être informé, consulté parfois, pour tout ce qui concerne l'évolution de mon travail, de mon poste, de mes responsabilités.
J'ai besoin d'un positionnement clair, constant et cohérent de la part des personnes en autorité, pour tout ce qui touche à mes devoirs ( mes engagements envers l'équipe, l'institution ou la société dans laquelle je travaille).
J'ai besoin également d'un positionnement sans ambiguïté sur mes droits (engagements de l'institution ou de la société à mon égard). Je ne veux pas être l'objet de la fluctuation des désirs et des peurs de chacun, au moindre malentendu, à la moindre divergence, à la moindre maladresse ou au moindre incident.
J'ai besoin que mon point de vue soit entendu, même s'il n'est pas toujours retenu ou pris en compte.
J'ai besoin de rendre compte de mon travail et d'avoir une écoute pour en évaluer les possibles.
J'ai besoin d'être passionné dans mon travail, d'avoir des buts, des projets et même de conserver la possibilité de rêver à des changements.
Je voudrais rappeler que c'est huit heures par jour ou plus, de ma vie, que je vends chaque jour en travaillant, et que je suis sensible à la qualité de ma vie durant ce temps, car elle se répercutera sur l'ensemble de mon existence et de mes relations.
Si chacun de ces points peut être entendu et vécu sur mon lieu de travail, vous pouvez être assuré que je collabore au maximum.
A cette charte de vie pour de meilleures relations dans mon travail correspond une
Anti-charte de vie relationnelle
- Quand je ne suis pas reconnu,
- quand je me sens critiqué et jugé,
- quand mon point de vue n'est pas entendu,
- quand je ne reçois aucune gratification et valorisation,
- quand je ne suis qu'un exécutant,
- quand je m'ennuie,
- quand je ne peux me reconnaître dans... l'incompétence de mes supérieurs,
je deviens alors un exécutant bête et passif, parfois même con et méchant... ( même si je ne le montre pas toujours au grand jour)
Jacques Salomé, dans Oser travailler heureux, en collaboration avec Christian Potié, Albin Michel, 2000, p 196-197
Tout en partageant un coup de cœur littéraire, l’occasion m’est donnée de remettre en circulation un petit clin d’œil poétique de Jacques Salomé : « il arrive aux possibles du réel de surprendre parfois les rêves et de scintiller dans le ciel du quotidien ».
« La grammaire de Dieu. Histoires de solitude et d’allégresse » est le dernier livre de Stefano Benni (2009). Un livre d’histoires. « Des histoires hilarantes, tristes, mélancoliques, amères ou poétiques, qui nous parlent d'humains, d'animaux, de diablotins ou de pauvres diables, de sorcières ou de moines muets, de chefs d'entreprise arrogants ou de chauffeurs de poids lourds abandonnés par leur bien-aimée. Stefano Benni décline sur tous les tons la solitude dans notre société dite de "communication" triomphante. Et il le fait avec un talent de conteur hors pair, entraînant même dans cette sarabande l'Arioste, Andersen ou encore Lewis Carroll. Car comme l'a dit un philosophe grec : " Parmi les dieux que les hommes inventèrent, le plus généreux est celui qui, en unissant plusieurs solitudes, en fait un jour d'allégresse." (quatrième de couverture) »
Parmi les nouvelles, l’une d’entre elles s’intitule « Les larmes ». Il se met à pleuvoir sur la ville des larmes, de toutes les formes, que l’on croit être tout d’abord des sacs en plastique. Alors les autorités dites compétentes prennent les choses en main comme elles savent le faire : les savants analysent, la presse, les touristes débarquent en masse, fascinés par le phénomène incompréhensible et extraordinaire. Un soir, enfin, à la lumière du soleil couchant, un savant voit clairement derrière la matière opaline, l’image d’une femme qu’il avait aimée. Il comprend ainsi que les lacrimoïdes sont les rêves négligés, jamais cultivés avec soin, jamais poursuivis avec passion, des rêves perdus sans combattre, des rêves jetés aux oubliettes. Le savant en parle avec son supérieur, lequel ne le croit pas, il pique même une colère. L’idée lui semble complètement saugrenue et le met hors de lui. Il décrète que les lacrimoïdes étaient en train de diminuer et que ce n’était pas la peine, désormais, de raviver l’intérêt pour elles. Il menace le savant : gare à lui, s’il diffuse cette théorie fumeuse et absurde !
Ces larmes contiennent les visages, les voix, les rêves, toutes les choses inaccomplies, inachevées des habitants de cette ville (et d’ailleurs sans doute !).
L’auteur[1] dit qu’il a mis deux mois à écrire ces petites pages : il ne sait pas les expliquer mais il y a là, selon lui, les mots qui disent « les rêves perdus sans combattre ».
Le savant du pays des lacrimoïdes ne savait pas (s’il l’avait su, aurait-il pour autant convaincu son supérieur ?) que dans une autre contrée de la terre[2], un psychosociologue qui était aussi conteur et poète avait déjà, à sa façon, compris à quel point il est important de « semer ce plus de vie émerveillée dont l’univers a tant besoin pour se régénérer. » Il avait écrit un petit texte que je dédie à toutes celles et ceux qui, par désespoir ou par excès de zèle et de rationalité, ont jeté leurs rêves aux oubliettes.
Maryse Legrand
Destins de rêves[3]
Si vous lancez une brassée de rêves dans l’azur de l’air vous en récolterez peut-être une partie qui retombera sur votre tête, une autre rejoindra certainement les attentes et les espérances de vos proches.
Mais souvent vous ne saurez pas ce qu’il adviendra du reste. L’essentiel atteindra sans doute l’écoute ouverte d’inconnus réceptifs dont vous ne soupçonnez même pas l’existence, ou encore - qui sait ? - le regard tout neuf d’un enfant étonné.
Ainsi vous aurez semé ce plus de vie émerveillée dont l’univers a tant besoin pour se régénérer.
Si maintenant, vous vous lancez dans l’observation attentive de la constellation de vos rêves, vous découvrirez que dans le lot, une poignée d’entre eux seulement sera susceptible de se transformer en projets.
Par miracle, quelques uns coïncideront peut-être avec ceux d’un (e) que vous aimez .
Vous comprendrez qu’il y a deux principales sortes de rêves : ceux que vous pouvez réaliser seul et ceux dont la concrétisation dépend de la participation d’un autre au moins.
Vous serez parfois surpris de vous apercevoir que vous avez oublié, que vous avez laissé en dépôt ou en caution chez quelqu’un, en garantie ou en gage quelque part, des éclats, des bribes ou même des pans entiers de rêve de vie. Il vous appartiendra de vous réapproprier ces rêves en jachère.
Vous en viendrez à reconnaître avec amertume, c’est à craindre, que certains de vos rêves ne sont que des contes que vous vous racontez, des châteaux de cartes qui reposent sur des illusions ou des leurres. Et vous aurez à admettre que nul autre que vous ne possède le pouvoir ou la faculté de renoncer à les alimenter si vous souhaitez pouvoir en construire d’autres, peut-être moins ambitieux ou moins magiques, mais plus solides et enracinés dans la réalité.
Si toutefois vous constatez que certains de vos rêves sont l’occasion de belles rêveries stimulantes, si vous convenez que d’autres sont des utopies viables au service de causes légitimes qui peuvent vous porter longtemps sans vous épuiser ni vous couper de vos responsabilités, alors il vous restera à voir comment vous occuper …vous-mêmes de ces rêves-là.
Si vous acceptez enfin que le sort de certains rêves est parfois de rester en attente de réalisation ou de demeurer indéfiniment à l’état de rêve, partageable ou non, vous participerez à nourrir le fond imaginaire et symbolique de l’humanité.
Ainsi vous gagnerez en lucidité, en liberté et en inventivité, vous contribuerez à faire œuvre de créativité et vous respecterez le rythme respiratoire de la vie désirante dont le monde a tellement besoin pour ne pas s’asphyxier dans sa course effrénée vers des promesses de progrès.
Vous verrez qu’il arrive aux possibles du réel de surprendre parfois les rêves et de scintiller dans le ciel du quotidien.
[1] Entendu le 2 avril 2009 lors de l’émission Affinités électives animée par Francesca Isidori sur France Culture
[2] Planète TAIRE écrivait-il parfois, tout comme Françoise Dolto, une psychanalyste célèbre sous les mêmes latitudes.
[3] Jacques Salomé, Lettres à l’intime de soi, Albin Michel 2001, p 50-51
Quand je te demande de m’écouter et que tu commences à me donner des conseils, je ne me sens pas entendu.
Quand je te demande de m’écouter et que tu me poses des questions, quand tu argumentes, quand tu tentes de m’expliquer ce que je ressens ou ne devrais pas ressentir, je me sens agressé.
Quand je te demande de m’écouter et que tu t’empares de ce que je dis pour tenter de résoudre ce que tu crois être mon problème, aussi étrange que cela puisse paraître, je me sens parfois plus en perdition.
Si tu fais pour moi, tu contribues à ma peur, tu accentues mon inadéquation et peut-être renforces-tu ma dépendance.
Quand je te demande ton écoute, je te demande d’être là, au présent, dans cet instant si fragile où je me cherche dans une parole parfois maladroite, inquiétante, injuste ou chaotique. J’ai besoin de ton oreille, de ta tolérance, de ta patience pour me dire au plus difficile comme au plus léger.
Oui, simplement m’écouter… sans excusation, ni accusation, sans dépossession de ma parole, sans tentative d’appropriation de ce que je te dis.
Écoute, écoute-moi quelquefois !
Tout ce que je te demande, c’est de m’écouter. Au plus proche de moi. Simplement accueillir ce que je tente de te dire, ce que j’essaie de me dire, car c’est cela le plus difficile.
Ne m’interromps pas dans mon murmure, n’aies pas peur de mes tâtonnements et de mes imprécations. Mes contradictions comme mes accusations, aussi injustes soient-elles, sont importantes pour moi.
Je ne me sers pas de toi, mais c’est vrai, j’ai besoin de toi à ce moment-là.
Par ton écoute, je tente de dire ma différence, j’essaie de me faire entendre surtout de moi-même. J’accède ainsi à une parole propre, à une parole mienne, celle dont j’ai été longtemps dépossédé.
Oh non ! Je n’ai pas besoin de conseils ou de réassurances dans ces moments-là ! Je peux agir par moi-même et aussi me tromper. Je ne suis pas impuissant, parfois démuni, découragé, hésitant, pas toujours impotent.
Si tu veux faire pour moi, tu contribues à ma peur, tu accentues mon inadéquation et peut-être renforces-tu ma dépendance.
Quand je me sens écouté, je peux enfin m’entendre.
Quand je me sens écouté, je peux entrer en reliance. Établir des ponts, des passerelles, certes, incertains et fragiles entre mon histoire et mes histoires, mais j’avance.
Je peux relier des événements, articuler entre elles des situations, donner du sens à des rencontres ou simplement accepter mes émotions. Dans la trame de mes interrogations, tisser ainsi l’écoute de ma vie.
Oui, ton écoute peut être passionnante.
S’il te plaît, écoute-moi et entends-moi.
Et, si tu veux parler à ton tour, attends juste un instant, que je puisse terminer et je t’écouterai à mon tour, mieux, surtout si je me suis senti entendu dans cet espace de moi, plus ouvert à toi.
Car vous êtes de jeunes soleils
qui se font les dents
et vous rayonnerez
un jour à votre tour…
(En quatrième de couverture de l’ouvrage)
Jacques Salomé dans Lettres à l’intime de soi, Albin Michel, Octobre 2003 I llustrations sont de Dominique de Mestral
La vie nous offre de multiples cadeaux,
si nous savons les accueillir,
si nous savons les amplifier,
nous pouvons à notre tour les offrir
et les répandre, en créer aussi.
Chacun peut s’interroger
le soir avant de s’endormir… :
quel cadeau de vie ai-je pu offrir aujourd’hui ?
Quelle parole, quel regard, quel sourire,
quel geste, quelle acceptation,
quelle confirmation ai-je donnés
Ai-je proposés ? Ai-je révélés ?
Qui, chaque jour, peut donner
à celui qu’il rencontre
le sentiment d’accroître sa vie,
d’embellir son regard,
d’accéder à une parole plus pleine,
de se sentir plus aimable,
plus précieux, plus beau ?
Qui peut faire le projet,
de mieux s’accepter,
d’être un meilleur compagnon pour lui-même,
d’oser s’aimer
et d’aimer à plein temps ?
Qui prend le risque
de devenir ainsi un semeur de vie ?
Car la vie n’est pas
un cadeau provisoire et transitoire,
elle contient une part d’éternité
qu’il appartient à chacun
de tenter de transmettre
pour se relier ainsi
à l’infinitude d’une existence.
Jacques Salomé, dans Lettres à l’intime de soi, Albin Michel, 2001
Illustrations de Dominique de Mestral
Jacques Salomé a beaucoup écrit sur la relation de couple et sur l'amour. Dans toute relation, il propose de ne pas s'en tenir au seul niveau des sentiments et de bien différencier ce qui appartient aux sentiments et ce qui appartient à la relation.
Il ajoute que ce ne sont pas les sentiments qui maintiennent ensemble, dans la durée, deux êtres qui s'aiment. Ce qui compte, précise-t-il, c'est plutôt la qualité de la relation qu'ils se proposent et qu'ils inventent.
Jacques Salomé rappelle encore que dans toute relation nous sommes toujours trois : l'autre, nous, et la relation qui nous relie à quelqu'un de cher (chair). Et il nous invite à réfléchir sur la nature de la relation que nous nous proposons et que nous acceptons dans le domaine de l'amour comme dans nos relations essentielles. En substance; il nous interroge : " Qu'avez-vous (ou que faites vous) pour votre relation d'amour ou de couple ? Qu'avez-vous fait pour la stimuler, l'embellir, pour la nourrir et l'irriguer, en un mot, pour l'agrandir ? "
Dans un de ces derniers ouvrages, intitulé " Chaque jour la vie " cet auteur écrit ceci :
" Je rêve d'une fête de l'amour où le valentinage deviendrait synonyme d'ouverture à l'amour. Une fête qui réunirait ceux qui se sentent une capacité d'aimer, c'est-à-dire qui s'aiment suffisamment pour ne pas dépendre de leur besoin d'être aimés et peuvent offrir, au-delà des sentiments, une présence, un engagement, une liberté d'être suffisamment consistants pour stimuler la générosité, l'abandon, la confiance de confiance de l'autre. Saint Valentin, faites des amoureux ! Si vous en avez le pouvoir, suscitez chez les femmes et chez les hommes cette appétence à l'ouverture, à la rencontre, à la découverte, pour s'accorder, cœur à cœur, non seulement à la fête des corps, mais aussi à celle des émotions, des sentiments et de l'engagement mutuel ! "
Ces postulats résument la position de Jacques Salomé qui a décliné le thème de l'amour tout au long de son œuvre, sous forme de poèmes ou de petits textes.
Nous vous offrons de découvrir, de relire ou de méditer l'un deux.
Déclaration des droits de l'homme et la femme à l'amour
Te rencontrer sans te réduire
Te désirer sans te posséder
T'aimer sans t'envahir
Te dire sans me trahir
Te garder sans te dévorer
T'agrandir sans te perdre
T'accompagner sans te guider
Et être ainsi moi-même au plus secret de toi.
Ce texte est extrait de Les paroles d'amour de Jacques Salomé
(Albin Michel 1995)
(Photos de Florence Moureaux)