Sortir de l'incommunication

Incommunication

Le néologisme valait bien d’être inventé tellement il est vrai que nous ne savons pas communiquer ! Ce nom commun et le verbe qui lui est associé « incommuniquer » sont bien commodes pour désigner ces façons que nous avons de saboter nos relations tant au niveau intime que professionnel et social.

Si nous apprenons à parler, nulle part nous n’apprenons à communiquer, dans le sens de mettre en commun.

Quel enfant, quel ex-enfant n’a vécu ce sentiment diffus de mal communiquer avec ses proches, avec ses professeurs, avec le monde des adultes ?

Qui ne rencontre au quotidien la difficulté de se dire et d’être entendu ?

Qui n’a senti la violence d’entendre l’autre parler sur lui, penser à sa place, décider pour son bien, l’engager dans un projet, un mode de vie où il ne se retrouve pas ?

Qui n’a entendu et reçu comme un rejet ou une négation de sa personne, les a priori, les jugements ou les affirmations péremptoires fermant le possible d’un échange, quand il tentait de donner son point de vue ou son vécu ?

Qui n’a vécu le sentiment humiliant ou injuste de se laisser définir… tel qu’il n’est pas ?

Qui n’a éprouvé le désarroi de voir opposer à son ressenti, d’autres perceptions et d’autres croyances qui, au-delà d’un témoignage ou d’un partage, voulaient s’imposer à lui et l’inviter ou le forcer à renoncer à son propre point de vue ?

(Jacques Salomé,
T’es toi quand tu parles, 1991)

C'est fou tout ce que nous pensons savoir pour les autres !

C'est fou ce que nous pensons savoir pour les autres, à leur place et surtout sur eux !

« C'est pas pour moi que je te dis ça ! C'est pour toi ! »

« Tu ne viendras pas prétendre que ça ne te fait rien ce que je suis en train de te dire ! Si vraiment ça ne te faisait rien, tu ne réagirais sûrement pas comme ça ! »

C'est impressionnant toutes ces leçons que nous pouvons donner autour de nous !

C'est étonnant ces conseils judicieux et censés être avisés que nous pouvons distribuer… aux autres !

C'est plutôt saisissant ce droit que nous nous donnons d'asséner à notre entourage des vérités toutes faites, de leur distiller des injonctions diverses et variées !

" Sois un peu plus raisonnable … ça ne se fait pas de parler comme ça à ses parents ! "

" Sois plus courageux enfin ! Sois un vrai homme ! "

Nous avons tout de même de drôles d’habitudes quand on y pense bien !

C'est assez étrange cette façon que nous avons de décider pour les autres, cette tendance que nous avons de savoir à leur place ce qui est bon et bien pour eux. Nous sommes pourtant les premiers à ressentir un malaise quand ce sont eux qui font la même chose avec nous !

C'est pour le moins surprenant de nous voir et de nous entendre dire et agir ainsi !

C'est curieux la somme de reproches et de remontrances que nous pouvons adresser à nos proches, le nombre de sermons ou de messages moralisateurs que nous estimons indispensable de leur servir !

C'est assez stupéfiant quand même, tout ce que nous prétendons détenir comme idées géniales et comme solutions toutes faites supposées avoir déjà servi, soi-disant marché et fait leurs preuves !

Le plus fort c'est peut-être bien encore la quantité d'énergie que nous sommes capables de déployer en explications et commentaires, pour tenter de persuader les uns et les autres du bien fondé de nos arguments, de la validité des bonnes raisons que nous avançons toujours, chaque fois que nous estimons que c'est à eux… de changer… bien sûr !

Ne parlons pas des bons sentiments qui nous animent souvent, ni des intentions louables que nous ne manquons pas d'avancer pour justifier nos maladresses et notre crédulité. Elles sont inusables et visiblement indémodables !

« C’est pour ton bien ! » « C’est pas ce que j’ai voulu dire ! » « Je t’ai dit ça mais je le pensais pas, c’était sous le coup de la colère ! »

C'est assez anachronique finalement, de constater par comparaison, la facilité avec laquelle nous nous laissons séduire par la publicité ou les nouvelles technologies et la manière dont nous résistons face aux découvertes qui ont révolutionné les sciences humaines depuis plus d’un siècle !

Que dire encore de toute la bonne volonté que nous déployons pour abonder en promesses de faire autrement et mieux la prochaine fois, en bonnes résolutions de ne plus… ou de commencer à… !

Il y aurait encore à ajouter à la liste de nos habitudes courantes, tous nos propos qui se veulent rassurants et qui ne sont qu'à moitié convaincants tellement ils sont peu congruents et authentiques !

Au bout du compte, c'est à se demander comment il se fait que nous ne soyons pas mieux lotis, les uns les autres, dans nos relations, vu tout ce que nous disons et savons les uns sur les autres, les uns à propos des autres et les uns à la place des autres.

Nul ne peut savoir à la place de quelqu’un d’autre !

L'autre est toujours un alter ego, un autre sujet, un autre à part entière.

Tout au plus, il nous appartient

  • de lui donner un avis, un conseil, un point de vue ;
  • de témoigner de notre ressenti ou de notre vécu face à lui, ou à son propos ;
  • de nous positionner et de nous définir en entendant ses dires ou en voyant comment il agit ;
  • de l'écouter et de le confirmer dans sa manière de voir ; pour lui permettre de mieux s'entendre lui ;
  • d'apprendre à reconnaître dans toute relation si nous sommes plutôt en situation de donner (vraiment), de demander (ouvertement), de refuser (clairement), de recevoir (simplement) ou de rendre (éventuellement).

Entre savoir pour l'autre et dire à l'autre ou bien encore se situer soi-même en tant que personne face à lui, se loge toute la différence

  • entre parler sur l'autre et parler à l'autre.
  • entre système SAPPE et Méthode ESPERE®

Dans cet espace de possibles, pour chacun(e) de nous la question se pose à un moment ou à un autre de décider

  • est-ce que je continue à collaborer à l'incommunication régnante ?
  • ou est-ce que je me donne un minimum de moyens pour contribuer à développer des relations plus vivantes et en santé ?